Vous l’avez certainement remarqué : les Japonais découpent leur histoire en périodes de temps très précises, appelées « ères du Japon » en français. Si ce système peut sembler folklorique, il perdure bel et bien de nos jours. Vous avez donc tout intérêt à comprendre son fonctionnement pour mieux vous repérer dans le temps. Dans cet article, vous découvrirez le fonctionnement de ces ères du Japon et les différents empereurs qu’a connus le pays.
Un peu de vocabulaire
Commençons par donner les termes japonais correspondant à ce découpage historique. Tout d’abord, le système correspondant aux ères impériales porte le nom 年号 (nengō), constitué des kanji 年 (nen), « année », et 号 (gō), « nom, identifiant ». Ce mot peut donc se traduire par « nom de l’année ».
Vous trouverez également le terme 時代 (jidai), qui peut se traduire par « ère » ou période ». Il est formé des kanji 時 (ji), « temps », et 代 (dai), qui a le sens de « ère, âge, génération ».
Notons au passage que dans l’historiographie française du Japon, deux mots différents sont utilisés pour rendre 時代 (jidai) : période (ou époque), qui désigne les grandes périodes de l’histoire du Japon, et ère, qui concerne les ères impériales proprement dites.
Deux subdivisions qui se chevauchent
Il existe donc deux manières de présenter la chronologie japonaise : d’une part, les subdivisions traditionnelles de l’histoire du Japon, soit les fameuses « périodes », de l’autre, les ères du calendrier impérial japonais.
Du calendrier chinois au calendrier japonais
Le découpage en ères est inspiré du calendrier impérial chinois, le Nianhao (年号, niánhào). Ce dernier est établi par l’empereur Han Wudi vers 114 ou 113 av. J.-C, qui le fait démarrer de façon rétroactive en 140 av. J.-C., année de son accession au trône. Wudi a l’idée de subdiviser son règne en plusieurs ères et de donner à chacune d’entre elles un nom correspondant à un événement marquant ou à un idéal pour l’empire. Par exemple, il nomme la première ère Jianyuan, « mise en place des fondations ». A la mort de Wudi en 87 av. J.-C., onze ères se sont succédé.
Cette tradition perdure jusqu’au début de la dynastie Ming (1368-1644). Son fondateur, Hongwu, qui règne de 1368 à 1398, décide d’attribuer à chaque empereur une unique ère. C’est le principe de 一世一元制 (yī shì yī yuán zhì), le « système d’un nom d’ère pour toute une vie ». Ainsi, chacun des empereurs de la dynastie Ming puis de la dynastie Qinq (1644-1912) est associé à un seul nom d’ère, exception faite de Ming Yingzong, qui règne deux fois sur la Chine (1435-1449 puis 1457-1464).
Après le renversement de la monarchie et la fondation de la république de Chine en 1912, cette datation est abandonnée. D’autres pays de la sphère culturelle chinoise ont repris ce système, comme le Vietnam, la Corée et bien sûr le Japon.
Calendrier grégorien, calendrier japonais
Il est également important de préciser que si le calendrier impérial est encore utilisé, notre calendrier grégorien l’est bien plus dans la vie courante. Vous pouvez donc tout à fait écrire la date (presque !) comme vous le feriez en français.
Par exemple, j’ai commencé la rédaction de cet article le 29 mars 2023, soit le 2023年3月29日 en japonais.
Le calendrier japonais traditionnel est employé dans des cas bien précis, sur lesquels nous reviendrons dans quelques instants.
Les ères traditionnelles du Japon
Commençons par la partie la plus simple, à savoir les grandes périodes de l’histoire japonaise, de la préhistoire à nos jours.
Nom | Nom japonais | Dates |
---|---|---|
Paléolithique | 旧石器時代 | 40 000-13 000 av. J.-C |
Période Jōmon | 縄文時代 | 13 000-400 av. J.-C |
Période Yayoi | 弥生時代 | 400 av. J.-C-250 apr. J.-C. |
Période Kofun | 古墳時代 | 250-538 |
Période d’Asuka | 飛鳥時代 | 538-710 |
Epoque de Nara | 奈良時代 | 710-794 |
Epoque de Heian | 平安時代 | 794-1185 |
Epoque de Kamakura | 鎌倉時代 | 1185-1333 |
Restauration de Kenmu | 建武の新政 | 1333-1336 |
Epoque de Muromachi | 室町時代 | 1336-1573 |
Epoque Azuchi Momoyama | 安土桃山時代 | 1573-1603 |
Epoque d’Edo | 江戸時代 | 1603-1868 |
Ere Meiji | 明治時代 | 1868-1912 |
Ere Taishō | 大正時代 | 1912-1926 |
Ere Shōwa | 昭和時代 | 1926-1989 |
Ere Heisei | 平成時代 | 1989-2019 |
Ere Reiwa | 令和時代 | 2019- |
Profitons-en pour faire quelques remarques :
- Le nom 時代 (jidai) est traduit indifféremment par « période » ou par « époque », puis par « ère » à partir de l’ère Meiji ;
- Les périodes Kofun et d’Asuka sont parfois réunies en une seule, la période Yamato (大和時代, Yamato jidai), qui s’étale donc de 250 à 710.
- L’époque d’Edo est parfois nommée « période Tokugawa » (徳川時代, Tokugawa jidai), d’après la dynastie ayant dirigé le Japon pendant toute cette période.
A présent que vous connaissez les grands jalons de l’histoire japonaise, accrochez-vous, car les choses vont se corser un peu.
Les ères impériales
Les ères impériales, les fameuses 年号 (nengō), reprennent plus ou moins le système chinois. Elles commencent à être utilisées à partir de 645, qui marque le commencement de l’ère Taika (大化), donc durant la période d’Asuka.
Vous l’aurez compris, jusqu’en 1868, les ères (nengō) et les époques ou périodes (jidai) représentent deux catégories nettement différentes. Mais ce n’est pas tout : comme en Chine ancienne, un seul et même empereur peut connaître plusieurs ères pendant son règne. Ainsi, l’empereur Kōtoku (597-654), qui introduit l’usage du nengō au Japon, règne de 645 à 654 : ce sont les ères Taika (645-650) et Hakuchi (650-654).
Ensuite, une ère japonaise ne coïncide pas forcément avec le début d’une année calendaire. Par exemple, l’ère Taika couvre la période allant d’août 645 à février 650, puis la période Hakuchi débute en février 650.
Ajoutons que suite aux deux ères du règne de Kōtoku, ce système est abandonné puis refait brièvement surface durant l’ère Shuchō (686), avant d’être définitivement adopté sans discontinuité à partir 701, avec le début de l’ère Taihō. Certains historiens doutent même de l’existence réelle des ères antérieures au VIIIe siècle.
Des changements d’ères fréquents
Les ères du Japon sont fixées par des fonctionnaires de la cour impériale et modifiées régulièrement, suivant certains critères : généralement un ou deux ans après le couronnement d’un nouvel empereur, suite à une catastrophe ou une épidémie ou, au contraire, après un événement heureux.
Pour vous donner une anecdote, le photographe Hiroshi Sugimoto a suggéré en juillet 2020 de mettre fin à l’ère Reiwa, commencée en 2019. Selon lui, la pandémie de Coronavirus constituait un événement suffisamment grave pour imposer un changement de nengō. Cette proposition n’a pas été suivie d’effet.
Les changements d’ères sont également influencées par le cycle sexagésimal chinois. Les adeptes de la divination dite Onmyōdō considèrent en effet que trois années de ce cycle sont propices au changement : la première, la troisième et la cinquante-huitième. Pour cette raison, le fait d’entrer dans l’une de ces années impose un changement d’ère.
Les ères du Japon en pratique
La première année d’une ère se nomme 元年 (gannen) et sa date de début est décrétée par l’empereur. Ainsi, la première année de l’ère Kōka (décembre 1844 – février 1848) se nomme 弘化元年 (Kōka gannen). Cette première année se poursuit ensuite jusqu’à la fin de l’année lunaire (ou solaire de nos jours) en cours. Commence alors la deuxième année de cette ère.
La durée des ères est très variable. Par exemple, l’ère Man’en a duré moins d’un an, de mars 1860 à février 1861. La plus longue ère du Japon est l’ère Shōwa, qui s’est étalée sur plus de 62 ans.
Précisons pour finir que le nom d’une ère est traditionnellement puisé dans une œuvre chinoise classique, comme le Classique des documents ou le Livre des Hans postérieurs.
Une chronologie complexe
Vous vous êtes sans doute fait la réflexion à la lecture des paragraphes précédents : le système des ères du Japon a de quoi se faire des nœuds dans le cerveau ! Vous n’avez pas tort : à moins d’être historien, il est difficile de s’en servir pour se repérer dans la chronologie japonaise.
Ne perdons pas de vue que deux empereurs peuvent se succéder au sein d’une seule et même ère. Par exemple, l’ère Kōka évoquée plus haut a vu se succéder deux empereurs, Ninkō (sur le trône du 31 octobre 1817 au 21 février 1846) et Kōmei (du 10 mars 1846 au 30 janvier 1867).
Comme nous l’avons vu, jusqu’à l’ère Meiji, les ères impériales (nengō) ne correspondent pas forcément aux grandes époques (jidai). Par exemple, durant l’ère Keichō (octobre 1596 à juillet 1615) a lieu la succession entre deux empereurs (Go-Yōzei et Go-Mizunoo, en 1611), mais aussi la transition entre les époques Azuchi Momoyama et Edo, en 1603.
Par conséquent, connaître par cœur les anciennes ères du Japon n’a pas grand intérêt. Si vous voulez en savoir plus, vous en trouverez toutefois la liste complète ici.
Les ères modernes du Japon
Si les ères historiques sont plus une curiosité qu’autre chose, celles du Japon moderne puis contemporain mérite que vous y prêtiez attention. D’une part parce qu’il n’y en a que que cinq, d’autre part parce que chacune d’entre elle coïncidence avec le règne d’un empereur.
Dans les prochains paragraphes, vous trouverez une description de chaque ère, accompagnée de son contexte historique.
L’ère Meiji (1868-1912)
Le début de l’ère Meiji marque un bouleversement à la fois dans l’histoire japonaise et dans l’exercice du pouvoir. Jusqu’ici, l’empereur reste cantonné à un rôle essentiellement symbolique, contrairement à son homologue chinois.
Dans les faits, l’autorité politique appartient à un chef militaire appelé shogun (将軍, shōgun). Plusieurs grandes familles de samouraïs ont ainsi imposé une dictature militaire héréditaire, le shogunat, ou bakufu (幕府). Les lignées de shoguns les plus connues sont les Minamoto, les Ashikaga et les Tokugawa.
Le 3 février 1867, tout change : le jeune empereur Mutsuhito (1852-1912) monte sur le trône, âgé de seulement quinze ans. Le Japon, alors très fermé, est contraint de s’ouvrir sur l’étranger et de se moderniser à marche forcée pour ne pas se laisser dépasser par les Occidentaux. Le shogunat Tokugawa, déjà grandement affaibli, est contesté par un mouvement visant à restaurer l’autorité de l’empereur. Le dernier shogun, Tokugawa Yoshinobu (1837-1913), finit par renoncer au pouvoir en faveur de Mutsuhito, en 1868.
C’est la restauration de Meiji (明治維新, Meiji ishin), qui fait de l’empereur l’unique dirigeant officiel du Japon. L’ère Meiji commence le 23 octobre 1868. Tout comme le fondateur de la dynastie Ming en Chine, Mutsuhito décrète qu’à chaque empereur correspondrait désormais une seule ère, selon le principe appelé « un règne, un nom d’ère » (一世一元, issei-ichigen). Selon la tradition, chaque empereur doit se doter d’un nom posthume, qui sera utilisé pour le désigner après sa mort. Mutsuhito choisit le nom de Meiji (明治), qui peut se traduire par « gouvernement éclairé ».
L’ère Meiji transforme profondément le Japon. Pays féodal en crise en 1868, il se hisse en moins d’un demi-siècle au rang de grande puissance économique et militaire. L’empire du Grand Japon (大日本帝国, Dai Nippon Teikoku) renforce sa domination sur la zone Pacifique au détriment de la Chine, vaincue en 1895, puis de la Russie, battue en 1905. Il annexe notamment Taïwan en 1895 et la Corée en 1910.
L’ère Taishō (1912-1926)
L’empereur Yoshihito est couronné le 30 juillet 1912 et prend le nom posthume de Taishō (大正), « grande justice ». Comme l’Occident, le Japon vit durant cette période une forte agitation sociale et intellectuelle, caractérisée notamment par la montée de l’idéologie communiste et une aspiration démocratique. Après une crise politique en 1912 s’ouvre la période dite de démocratie Taishō (大正デモクラシー, Taishō demokurashī), qui s’étale de 1913 à 1926.
Le règne de Yoshihito ne se fait pas sans heurts : d’une santé fragile et souffrant de problèmes neurologiques, il vit reclus et apparaît rarement en public. Incapable d’assumer ses fonctions, il nomme son fils Hirohito régent en 1921.
Pendant cette ère, le Japon s’oriente vers davantage de libéralisme social, économique et politique. Il se montre néanmoins impuissant à endiguer la montée d’une idéologie militariste et ultra-nationaliste. Pendant cette période, le pays est notamment frappé par le séisme du Kantō de 1923.
L’ère Shōwa (1926-1989)
L’ascension au trône de Hirohito, le 25 décembre 1926, marque le début de l’ère Shōwa (昭和), littéralement « paix éclairée ». Le plus long de l’histoire du Japon, ce règne peut être divisé en deux parties.
Première partie (1926-1945) : la marche vers la guerre
Comme dans plusieurs pays européens, la démocratie naissante cède sa place à une période de violence et d’autoritarisme. Après une succession d’assassinats politiques et de coups d’Etat avortés et sur fond d’invasion de la Mandchourie en 1931, le Japon s’enfonce peu à peu dans la dictature. En 1937 débute la deuxième guerre sino-japonaise, qui sera suivie par la guerre du Pacifique à partir du 7 décembre 1941, avec l’attaque de Pearl Harbor.
En 1945, un Japon éreinté par la guerre se résout à capituler, suite aux bombardements d’Hiroshima et Nagasaki et à l’invasion de la Mandchourie par les Soviétiques. Il se retrouve alors placé sous occupation américaine jusqu’en 1952, perdant au passage toutes ses conquêtes territoriales, mais aussi son statut d’empire. Désormais, on ne parle plus de « l’empire du Grand Japon » (大日本帝国, Dai Nippon Teikoku) mais simplement de la « Nation japonaise » (日本国, Nipponkoku ou Nihonkoku).
Aussi étrange que cela puisse paraître, cette rupture profonde dans l’histoire japonaise ne signifie pas pour autant la fin de l’ère Shōwa. C’est même tout le contraire : le général MacArthur, érigé en dirigeant temporaire du pays, s’efforce d’exonérer l’empereur et la famille impériale de toute responsabilité liée à la guerre, pour assurer une certaine stabilité politique. Hirohito peut donc conserver son trône, tout au plus doit-il renoncer au pouvoir ainsi qu’à son statut divin.
Seconde partie (1946-1989) : l’envol du Japon
Si l’empereur reste en place, son pouvoir se retrouve considérablement réduit. Le Japon entre quant à lui de plain pied dans la démocratie : il se dote d’une nouvelle constitution en 1947, offre le droit de vote aux femmes et renonce définitivement à la guerre. C’est le fameux article 9. Le pays retrouve sa souveraineté après la signature du traité de San Francisco en 1951.
S’ensuit une période de forte croissance, appelée aujourd’hui miracle économique japonais. En 1964 ont lieu les très symboliques Jeux olympiques d’été à Tokyo. Ils visent à montrer un nouveau visage de l’Archipel : moderne, pacifique et capable d’accueillir un événement d’envergure mondiale.
L’année suivante, le Japon connaît le « boom Izanagi » (いざなぎ景気, Izanagi keiki). Avec une croissance du PIB de 11,5 % par an de 1965 à 1970, il devance l’Allemagne de l’Ouest, décrochant ainsi la place de seconde économie mondiale. Cette prospérité a cependant un coût : le pays se montre incapable d’enrayer la montée d’une bulle spéculative, aggravée par les calamiteux accords du Plaza, signés en 1985.
Cette ère contrastée, qui a vu le Japon sombrer puis s’élever jusqu’à des hauteurs insoupçonnées, s’achève le 7 janvier 1989 avec le décès de l’empereur Hirohito.
L’ère Heisei (1989-2019)
Le 8 janvier 1989, Akihito, fils aîné de Hirohito, monte sur le trône. C’est le début de l’ère Heisei (平成), qui signifie « accomplissement de la paix ».
L’âge des défis
La bulle spéculative éclate en 1991. Le Japon entre alors dans une phase de quasi-stagnation économique, ce qui transforme les années 90 en « décennie perdue » (失われた10年, Ushinawareta Jūnen). La situation est aggravée par la crise économique asiatique de 1997, puis par celle, mondiale, de 2008. Cette suite de calamités affecte durement le pays, qui se retrouve concurrencé par de nouveaux acteurs dans la région Pacifique. Ainsi, en 1989, parmi les 50 premières entreprises mondiales par capitalisation, 32 sont japonaises. En 2018, seule Toyota en fait partie. De plus, en 2010, le Japon se voit ravir la place de seconde économie mondiale par la Chine.
Un autre problème qui touche le Japon pendant l’ère Heisei est le vieillissement de sa population. S’il peut s’enorgueillir de la plus longue espérance de vie au monde, il possède également l’une des plus faibles natalités. En conséquence, la population atteint un pic historique en 2010, avec 128 070 000 habitants, puis décroît lentement pour atteindre 124 830 000 habitants en 2022.
Pour parachever ce tableau morose, le Japon est frappé par plusieurs catastrophes naturelles. Les plus meurtrières sont le tremblement de terre de Kobe de 1995 et le séisme du Tōhoku de 2011, connu pour avoir grandement endommagé la centrale nucléaire de Fukushima.
Un pays toujours influent
Malgré ces défis, le Japon de l’ère Heisei reste prospère et influent. Une étude montre même une perception plus positive de leurs conditions de vie par les Japonais que durant l’ère Shōwa. De plus, l’Archipel continue de rayonner et de diffuser sa culture dans le monde entier, principalement à travers son cinéma (d’animation comme Le voyage de Chihiro, d’horreur comme Ringu, dramatique comme Nobody knows…), les manga et les jeux vidéo. L’architecture n’est pas en reste : à son inauguration en 2012, la Tokyo Skytree est la plus haute tour du monde et le deuxième plus haut bâtiment derrière le Burj Khalifa.
Pendant cette période, le Japon réémerge en tant que puissance militaire. Outre une hausse importante du budget de la défense à partir de 2010, la pays participe au maintien de la paix en Irak à partir de 2004 et se dote de sa première base permanente à Djibouti en 2010. Sur le plan diplomatique, l’empereur Akihito exprime à plusieurs reprises ses regrets quant aux souffrances infligées aux peuples de Corée et de Chine, et le premier ministre Naoto Kan en fait de même en 2010. Les tensions n’en restent pas moins vives avec ces deux pays.
Une exception dans l’histoire japonaise
Affaibli par une santé fragile depuis 2002, Akihito envisage d’abdiquer. Cet abandon du trône est le premier depuis celui de l’empereur Kōkaku en 1817 et n’est normalement pas prévu par la constitution de 1947. Après plusieurs années de débats, la Diète du Japon promulgue en juin 2017 une loi permettant à l’empereur d’abdiquer.
Le 30 avril 2019, Akihito renonce formellement au trône en faveur de son fils, Naruhito. A cette occasion, il reçoit le titre de Jōkō (上皇), « empereur émérite ».
L’ère Reiwa (2019-)
L’ère actuelle commence le 1er mai 2019 avec l’intronisation de Naruhito. Fait notable, Reiwa (令和) est le tout premier nom d’ère à provenir d’un texte japonais plutôt que chinois, à savoir le Man’yōshū, dont je vous avais déjà parlé dans l’article sur les hiragana. Il est officiellement traduit par « belle harmonie ».
L’événement le plus marquant de cette ère pour les étrangers que nous sommes est bien sûr la pandémie de Coronavirus, qui a eu pour conséquence deux ans de fermeture des frontières, mais aussi le report des Jeux olympiques d’été de 2020 à 2021.
En septembre 2020, c’est au tour de Shinzō Abe de démissionner pour des raisons de santé, après avoir été le premier ministre à avoir occupé le plus longtemps ce poste. Il est assassiné en 2022 à Nara, fait rare dans un pays peu violent où les armes à feu sont strictement réglementées.
La même année, le Japon se joint aux sanctions occidentales décidées en réponse à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Cette décision envenime les relations entre les deux pays, déjà compliquées par le contentieux relatif aux îles Kouriles.
Les ères du Japon au quotidien
J’espère que ce voyage dans le temps vous a plu et vous a permis de mieux saisir le contexte de chacune des ères du Japon moderne et contemporain. L’air de rien, nous avons tout de même parcouru plus d’un siècle et demi !
Voyons à présent comment utiliser les ères dans la vie courante. Si vous prévoyez simplement de faire un voyage au Japon, vous pouvez faire l’impasse dessus. En revanche, si vous comptez y séjourner plus longtemps, comprendre leur fonctionnement pourra vous être utile.
Les ères apparaissent principalement sur les documents officiels, ou encore pour indiquer la date de naissance sur certains documents administratifs. Pour réaliser la conversion entre les deux calendriers, un petit calcul s’impose.
Comment utiliser le calendrier impérial
Tout d’abord, vous devez prendre le nom de l’ère et le placer avant la date. Rappelons les plus récents :
- 明治 pour Meiji ;
- 大正 pour Taishō ;
- 昭和 pour Shōwa ;
- 平成 pour Heisei ;
- 令和 pour Reiwa.
On peut parfois se contenter de l’initiale. Par exemple, Shōwa sera S et la première année de cette ère, S1.
Reprenons la date donnée en exemple plus haut, 29 mars 2023. L’ère Reiwa commence en 2019, 2023 est donc sa cinquième année. On écrira donc :
Format | Date |
---|---|
Français | 29 mars 2023 |
Calendrier grégorien | 2023年3月29日 |
Calendrier impérial | 令和5年3月29日 |
Prenons un autre exemple plus ancien : l’ouverture des Jeux olympiques d’été, le 10 octobre 1964. Cette année correspond à la 39e de l’ère Shōwa.
Format | Date |
---|---|
Français | 10 octobre 1964 |
Calendrier grégorien | 1964年10月10日 |
Calendrier impérial | 昭和39年10月10日 |
Gare aux pièges !
Vous avez sans doute remarqué que les ères commençaient en plein milieu d’année. Attention donc à ces années de transition : 1868, 1912, 1926, 1989, 2019.
Par exemple, l’ère Heisei s’achève le 30 avril 2019, puis l’ère Reiwa débute le 1er mai. On a donc :
Format | Dernier jour | Premier jour |
---|---|---|
Français | 30 avril 2019 | 1er mai 2019 |
Calendrier grégorien | 2019年4月30日 | 2019年5月1日 |
Calendrier impérial | 平成31年4月30日 | 令和1年5月1日 |
Notez que la première année de Reiwa peut également s’écrire 令和元年 (Reiwa gannen).
Convertir les années impériales
Pour finir, voici une méthode permettant d’identifier une année au sein d’une ère. Il suffit de prendre l’année de début de cette dernière, d’enlever 1 puis de commencer à compter à partir de là.
Par exemple, l’ère Shōwa débute en 1926. On commence donc à compter à partir de 1926-1 = 1925, sorte « d’année zéro ». On a donc :
- Année 昭和1 ou S1 : 1925 +1 = 1926 ;
- Année S2 : 1925 + 2 = 1927 ;
- Année S3 : 1925 + 3 = 1928 ;
- Année S39 (celle des JO) : 1925 + 39 = 1964.
Bref, vous comprenez la logique. Si les maths ne sont pas votre fort, vous pouvez utiliser un convertisseur comme celui-ci ou celui-là, qui fonctionnent dans les deux sens (japonais <=> grégorien).
Les ères du Japon n’ont plus de secrets pour vous
Nous avons vu tout ce que vous avez besoin de connaître sur les ères japonaises : leur fonction, leur origine et les grandes dates de l’histoire nippone. Désormais, lorsque vous entendrez parler d’ère Meiji ou Shōwa, vous saurez exactement à quoi elles correspondent.
Il ne vous reste plus qu’à calculer votre date de naissance au format impérial et à la garder en tête si jamais on vous la demande au Japon.
Merci beaucoup pour l’article. Je le relirai en détail car je ne connaissais pas tout non plus (mais je connaissais déjà assez bien). Par contre, je suis très étonné de ne pas voir une seule allusion à ce qui est pourtant l’une des ères les plus célèbres du Japon, à savoir 戦国時代 (Sengoku Jidai), autrement dit « l’époque de la guerre », une période trouble mettant en scène de célèbres personnalités historiques faisant l’objet de beaucoup de fantasmes et apparaissant dans toutes sortes d’oeuvres (mangas, jeux vidéo, films, anime, romans…) comme Oda Nobunaga (織田信長).
Sinon, les ères les plus « importantes » que je retiens de l’histoire japonaise sont 平安時代 (ère Heian), 戦国時代 (ère Sengoku), 江戸時代 (ère Edo), 明治時代 (ère Meiji), et 昭和時代 (ère Shôwa).
Excellent article qui permet de mieux cerner la longue Histoire du Japon. Je crois que c’est en suivant les principales ères que les enfants japonais étudient l’histoire de leur pays en apprenant les faits essentiels de ces ères. Les ouvrages d’auteurs français abordant l’Histoire du Japon ne tiennent pas souvent compte de ces époques dans leurs études. C’est pourquoi il faut souvent faire référence à ces époques pour bien se situer dans le long temps japonais. Cet article facilite la lecture de l’Histoire japonaise telle qu’elle est relatée en Occident en corrélation avec les ères traditionnelles. どうもありがとうございます。