Le japonais présente la caractéristique fascinante d’avoir emprunté de très nombreux mots à d’autres langues. Une grande partie de son vocabulaire provient directement du chinois, puis c’est l’anglais qui a commencé à l’alimenter abondamment à partir du XXe siècle. Le français n’est pas en reste, avec des emprunts parfois étonnants, loin de l’usage que nous faisons de ces mots. Dans cet article, vous découvrirez 40 mots japonais en français, avec leur origine et ce qu’ils signifient pour les Japonais.
Le japonais, un aspirateur à vocabulaire étranger
Là où les Français s’écharpent au sujet des anglicismes, les Japonais n’ont pas du tout ce complexe. Ils ont toujours pioché des mots ici et là et les ont intégré à leur langue. Il est ainsi courant que coexistent un mot purement japonais (et encore, souvent d’origine chinoise) et un mot étranger, avec de fines nuances de sens.
Au XVIe siècle, le Japon s’ouvre au commerce avec l’Occident. Au contact de leurs partenaires privilégiés, d’abord les Portugais, puis les Hollandais, les japonais acquièrent leurs premiers mots européens. Par la suite, durant l’ère Meiji (1868 – 1912), le pays sort d’un isolement de plusieurs siècles et s’occidentalise à marche forcée pour s’imposer parmi les grandes puissances mondiales.
Les Japonais s’inspirent alors des Occidentaux dans différents domaines (politique, scientifique, militaire…), principalement des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de la Prusse (qui deviendra l’Allemagne en 1871) et de la France. Le vocabulaire japonais adopte logiquement des termes issus de l’anglais, de l’allemand et du français qui nous intéresse ici.
A partir de 1945, c’est principalement l’anglais qui fournit des mots au japonais. Les termes d’origine française sont donc plus rares et certaines ont un parfum désuet qui fait tout leur charme. Notez que certains d’entre eux ont été intégrés par l’intermédiaire de l’anglais, qui nous les avait lui-même empruntés par le passé. Un sacré voyage linguistique !
Des mots écrits en katakana
Si vous avez lu mon article pour apprendre les katakana, vous savez que ce syllabaire est utilisé pour transcrire les termes étrangers. En conséquence, l’immense majorité des mots français en japonais s’écrivent en katakana. Il existe quelques exceptions qui peuvent s’écrire en kanji, comme 仏蘭西 (furansu, « France »), mais ces usages sont désormais considérés comme des archaïsmes.
Dans cet article, j’indiquerai à chaque fois la transcription en rōmaji (alphabet latin), pour ne pas perdre les débutants. Je vous invite dans tous les cas à télécharger le tableau des katakana (en plus d’autres bonus). Il vous aidera à lire facilement les mots qui suivront.
40 mots français en japonais
Dans les prochains paragraphes, vous trouverez ces fameux mots issus du français, classés dans l’ordre alphabétique latin, plutôt que celui des katakana.
Avant de commencer, tordons d’emblée le coup à une idée reçue : le mot pour dire « pain », パン (pan), ne provient pas du français, mais du portugais, pão. Désolé, nos amis lusophones sont arrivés au Japon les premiers ! Je vous rassure cependant, « baguette » se dit bien バゲット (bagetto) en japonais.
アベック (abekku)
Origine : avec
Sens : couple
Ce mot est un peu étrange et reprend l’idée de venir « avec quelqu’un », soit en couple. prenons cet exemple tiré du Wiktionary :
公園にたくさんのアベックがいた
Kōen ni takusan no abekku ga ita.
Il y avait de nombreux jeunes couples dans le parc.
Le mot japonais アベック désigne donc un jeune couple dans le cadre d’un rendez-vous amoureux.
On trouve aussi le sens de « tandem » :
アベック飛行
abekku hikō
Vol en tandem
Notez cependant que ces deux acceptions sont aujourd’hui démodées.
アンケート (ankēto)
Origine : enquête
Sens : enquête, sondage
Le mot アンケート reprend le sens du français « enquête », dans le sens du sondage d’opinion ou de questionnaire. Il est souvent associé au mot 調査 (chōsa) ; on trouve d’ailleurs le terme アンケート調査 (ankēto chōsa), pour désigner un sondage réalisé au moyen d’un questionnaire.
Il n’est pas possible d’employer アンケート pour parler d’une enquête policière. Dans ce cas, on utilisera 捜査 (sōsa).
アンコール (ankōru)
Origine : encore
Sens : bis (spectacle)
Ce terme provient de l’anglais, qui l’a lui-même emprunté au français. Dans ce sens, l’interjection « encore ! » renvoie à la demande du public à la fin d’un spectacle, pour réclamer une chanson ou un sketch de plus. Un アンコール correspond donc à cette performance supplémentaire, par exemple un morceau ajouté à la fin d’un concert lorsque l’audience le demande.
Notez que アンコール sert également à désigner la célèbre cité cambodgienne d’Angkor. Il s’agit bien sûr d’une coïncidence.
En français, on parle plutôt de « bis » ou de « rappel ».
アトリエ (atorie)
Origine : atelier
Sens : atelier (d’artiste, d’artiste, de production)
Le mot japonais アトリエ signifie « atelier », avec une petite nuance : il s’agit ici d’un atelier d’artiste, d’artisan ou de designer, plutôt que d’un atelier industriel.
Le terme japonais générique pour « atelier » est 工房 (kōbō).
バカンス (bakansu)
Origine : vacances
Sens : vacances
A l’étranger, les Français ont la réputation d’être les champions des vacances. Les Japonais semblent partager cette opinion, car ils ont adopté directement le mot バカンス (bakansu), en plus des termes qu’ils possédaient déjà, comme 休み (yasumi).
バレエ / バレー (barē)
Origine : ballet
Sens : ballet
Ce terme désigne le ballet, soit le spectacle composé de musique et de danse classique.
ブルジョア (burujoa)
Origine : bourgeois
Sens : bourgeois
Comme en français, le terme ブルジョア (burujoa) désigne la classe socio-économique. On trouve également ブルジョワジー (burujowajī), « bourgeoisie ».
デビュー (debyū)
Origine : début
Sens : première apparition, premiers pas
Encore un mot passé par la moulinette de l’anglais avant d’atterrir en japonais. デビュー (debyū) a plus ou moins le même sens que l’anglais début, à savoir la première apparition sur scène d’un artiste, ou encore les premiers pas dans une nouvelle discipline. Il est donc plus proche de l’expression française « faire ses débuts ».
Voici un exemple tiré de Tatoeba :
AKBならデビュー前に2回ライブ行ったけどな。
AKB nara debyū mae ni ni kai raibu itta kedo na.
Concernant AKB, je suis allé les voir deux fois en concert avant leur première apparition.
デッサン (dessan)
Origine : dessin
Sens : dessin, ébauche
Le terme デッサン (dessan) revêt une signification bien précise en japonais : celui d’une ébauche servant de première étape à une œuvre plus complexe, par exemple une peinture ou une sculpture.
Voici un exemple :
果物をデッサンする
kudamono o dessan suru
réaliser un dessin (préparatoire) d’un fruit
Ici, on part du principe que ce dessin servira d’ébauche à une peinture de fruit.
グランプリ (guran puri)
Origine : grand prix
Sens : grand prix (compétition)
Comme en français, le mot グランプリ (guran puri) désigne une compétition prestigieuse, par exemple un grand prix de Formule 1.
グラタン (guratan)
Origine : gratin
Sens : gratin
En lisant un jour la carte d’un restaurant au Japon, il m’a fallu plusieurs minutes pour réaliser que グラタン (guratan) signifiait « gratin ».
グロテスク (gurotesuku)
Origine : grotesque
Sens : grotesque (étrange, inquiétant)
Ce terme est tellement spécialisé qu’il s’agit quasiment d’un faux-ami. Là où « grotesque »a évolué en français pour désigner quelque chose de ridicule, le japonais グロテスク (gurotesuku) possède quant à lui le sens originel du mot, à savoir l’art grotesque, mais aussi l’idée de quelque chose de laid, bizarre, voire de dérangeant.
Attention donc à ne pas employer グロテスク dans le sens de « ridicule, absurde ».
Le japonais adore créer des diminutifs à partir de mots étrangers, sachez donc que グロテスク a donné グロ (guro), qui désigne des contenus susceptibles de choquer.
グロ画像
guro gazō
Une image gore, choquante
グルメ (gurume)
Origine : gourmet
Sens : gourmet
Ce terme désigne à la fois le gourmet, celui qui apprécie la bonne chère, mais aussi une nourriture d’excellente qualité.
カフェ (kafe)
Origine : café
Sens : café (lieu)
Le terme カフェ (kafe) est passé par l’anglais café, qui désigne uniquement le lieu où on sert la boisson. Cette dernière est appelée コーヒー (kōhī) en japonais, de l’anglais coffee.
Il existe cependant une exception…
カフェオレ (kafeore)
Origine : café au lait
Sens : café au lait
Un emprunt direct au français. Dans ce cas bien utilise donc le terme français カフェ plutôt que l’anglais コーヒー pour former カフェオレ (kafeore).
コンクール (konkūru)
Origine : concours
Sens : concours, compétition
Le mot コンクール (konkūru) a le sens de « concours », dans le sens de concours de talent (ピアノコンクール / piano konkūru : concours de piano), mais aussi de compétition entre des organismes vivants.
クーデター (kū detā)
Origine : coup d’Etat
Sens : coup d’Etat
Le français est longtemps resté la langue par excellence de la diplomatie et de la politique. Il n’est donc pas étonnant que, parmi les mots français en japonais, クーデター (kū detā) occupe une place de choix.
クロッキー (kurokkī)
Origine : croquis
Sens : croquis
Vous vous souvenez du mot デッサン (dessan), vu plus haut ? Eh bien クロッキー (kurokkī) possède à peu près le même sens, à ceci près qu’il s’agit ici d’un dessin relativement peu détaillé et réalisé rapidement.
クロックムッシュ (kurokkumusshu)
Origine : croque-monsieur
Sens : croque-monsieur
Ce mot à la prononciation amusante désigne notre sandwich grillé au jambon et au fromage.
クロワッサン (kurowassan)
Origine : croissant
Sens : croissant
La célèbre pâtisserie. Profitons-en pour donner également パンオショコラ (pan o shokora). Je préfère en revanche vous prévenir : le terme ショコラティーヌ (shokoratīnu) désigne plutôt un gâteau au chocolat constitué de plusieurs couches. Merci de ne pas démarrer une guerre à ce sujet dans les commentaires.
マダム (madamu)
Origine : madame
Sens : madame
Le mot japonais マダム (madamu) donne plutôt l’idée d’une dame d’âge mûr et au statut social relativement élevé. Il peut être utilisé pour s’adresser à une femme, comme en français.
Un exemple tiré du site Reverso :
それは名誉、マダム社長です。
Sore wa meiyo, madamu shachō desu.
C’est un honneur, Madame la présidente.
マドレーヌ (madorēnu)
Origine : madeleine
Sens : madeleine
Le fameux gâteau. Si vous voulez briller en société, sachez que « madeleine de Proust » se dit プルーストのマドレーヌ (purūsuto no madorēnu).
マヨネーズ (mayonēzu)
Origine : mayonnaise
sens : mayonnaise
Pas besoin d’en dire plus : マヨネーズ (mayonēzu) désigne le condiment que le monde nous envie. Notez également l’abréviation マヨ (mayo). Comme en français, je vous dis.
メゾン (mezon)
Origine : maison
Sens : maison, résidence
Ce terme peut désigner une maison, mais aussi un immeuble d’habitation à l’occidentale.
Le terme メゾン peut renvoyer à l’univers de l’artisanat haut de gamme, comme メゾン・ド・クチュール (mezon do kuchūru), « maison de couture ».
メゾネット (mezonetto)
Origine : maisonnette
Sens : maisonnette, duplex
Un cas très surprenant : si メゾネット (mezonetto) a initialement le sens de « petite maison », ce terme désigne plus fréquemment un duplex, soit un logement s’étendant sur deux étages.
ムール (mūru)
Origine : moule
Sens : moule
Le terme ムール (mūru) désigne le coquillage, plus particulièrement dans le sens de « plat de moules ». Pour parler d’une moule, on dira plutôt ムール貝 (mūrugai), le kanji 貝 (kai) signifiant « coquillage ».
Nos amis belges seront ravis d’apprendre que « moules-frites » se dit ムールフリット (mūrufuritto).
ニュアンス (nyuansu)
Origine : nuance
sens : nuance
J’avais toujours cru que le mot ニュアンス (nyuansu) avait été emprunté à l’anglais, mais en faisant mes recherches pour cet article, j’ai découvert qu’il provenait directement du français et que son usage était attesté au début du XXe siècle. On en apprend tous les jours.
Le mot japonais ニュアンス a exactement le même sens qu’en français : une subtile différence entre deux éléments.
Voici un exemple tiré de Tatoeba :
彼女の考えと私の考えでは少しニュアンスが違う。
Kanojo no kangae to watashi no kangae de wa sukoshi nyuansu ga chigau.
Il y a une légère différence entre son idée et la mienne.
オートクチュール (ōto kuchūru)
Origine : haute couture
Sens : haute couture
Les Japonais ont une vision idéalisée de la mode française, dont la haute couture. Ils ont donc adopté ce mot tel quel.
パンタロン (pantaron)
Origine : pantalon
Sens : pantalon (pattes d’éléphant)
Etrangement, le mot japonais パンタロン (pantaron) est réservé aux pantalons pattes d’eph féminins. Il peut plus rarement désigner des pantalons aux jambes larges pour les hommes.
パステル (pasuteru)
Origine : pastel
Sens : pastel
Le terme パステル (pasuteru) recouvre à la fois la technique et le bâtonnet. Une couleur pastel se dit パステルカラー (pasuteru karā), de l’anglais pastel color.
ピエロ (piero)
Origine : Pierrot
Sens : clown
Un autre (quasi) faux-ami : en français, Pierrot est le personnage habillé de blanc avec un penchant pour la mélancolie. En japonais, ピエロ (piero) désigne n’importe quel type de clown et plus particulièrement l’Auguste, soit celui avec le gros nez rouge.
ポタージュ (potāju)
Origine : potage
Sens : potage
Le mot ポタージュ (potāju) a exactement le même sens qu’en français : « potage », soit une soupe relativement épaisse. Le terme purement japonais pour dire « soupe » est 汁 (shiru).
プレタポルテ (puretaporute)
Origine : prêt-à-porter
Sens : prêt-à-porter
Le sens est le même qu’en français : des vêtements réalisés pour des magasins avec des mesures standardisées, plutôt qu’en sur mesure.
プチ (puchi)
Origine : petit
Sens : petit, mini-
Issu de « petit », プチ (puchi) fonctionne plus ou moins comme le préfixe « mini- » en français. Par exemple, プチトマト (puchi tomato) a le sens de « tomate cerise ».
ランデブー (randebū)
Origine : rendez-vous
Sens : rendez-vous (amoureux)
Cliché sur la France oblige, ランデブー (randebū) s’emploie dans le cadre d’un rendez-vous romantique plutôt que professionnel.
レストラン (resutoran)
Origine : restaurant
Sens : restaurant (occidental)
Il existe un très grand nombre de restaurants bien spécifiques au Japon, avec autant de noms différents. Par exemple, un ラーメン屋 (rāmen’ya) servira principalement des ramen. Le mot レストラン (resutoran), quant à lui, est plutôt employé pour parler d’un restaurant à l’occidentale (français, italien, américain…).
サボタージュ (sabotāju)
Origine : sabotage
Sens : sabotage
Le mot français サボタージュ (sabotāju) a donné un verbe japonais amusant : サボる (saboru), qui signifie « ne pas travailler, sécher ». Par exemple :
授業をサボる
jugyō o saboru
Sécher un cours
サブレー (saburē)
Origine : sablé
Sens : sablé
Le petit biscuit sec. Il existe une marque de sablés appelée 鳩サブレー (hato saburē), avec des gâteaux en forme de pigeons (鳩).
シャンソン (shanson)
Origine : chanson
Sens : chanson (française)
Un terme intéressant, car il renvoie exclusivement à la chanson française traditionnelle, par exemple Edith Piaf. Le nom générique pour « chanson » est 歌 (uta).
シェフ (shefu)
Origine : chef
Sens : chef (cuisinier)
Autre terme emprunté à l’univers de la gastronomie, シェフ (shefu) s’emploie uniquement pour parler d’un chef de restaurant. Profitons-en pour rappeler que Tokyo est la ville comptant le plus grand nombre de restaurants étoilés au monde.
Mots français en japonais… et franponais
J’espère que cette liste vous aura permis de découvrir un certain nombre de mots français en japonais et de mieux saisir leur sens. Si vous en connaissez d’autres, je vous invite à nous en faire part dans les commentaires.
Il serait impensable de refermer cet article sans évoquer le « franponais », ces mots français utilisés tels quels en japonais, de manière incongrue ou en faisant des fautes d’orthographes. Je ne manquerai pas de vous en faire part dans une future publication.
Si les Français sont les champions des vacances, à l’inverse, les Allemands semblent être les champions du travail, avec le mot… アルバイト. XD
Sinon, je ne savais pas que ニュアンス venait du français.
A propos du pantalon, on peut aussi rajouter ズボン, qui vient du mot français… jupon (bon, il faut le savoir ! ).
A part ça, il y a effectivement de jolis faux-amis, niveaux mots français provenant du japonais. Le plus célèbre étant hara-kiri qui, comme chacun le sait très bien, signifie « élevage de chevaux reproducteurs qui rigole »… bon, d’accord, ce n’est pas drôle.
Sinon, une des raisons qui font que les anglicismes posent problème en français, c’est qu’en français, on ne fait plus aucun effort de « naturalisation » du mot, comme autrefois le mot « redingote » qui vient de « riding coat ». Maintenant, les mots anglais ne « s’intègrent » plus du tout au français, c’est une sorte d’invasion où ils imposent une espèce de prononciation bizarre qui n’est ni l’anglais, ni le français, ce qui est très, très moche à entendre et totalement dénué de logique de prononciation (à terme, cela menace l’équilibre de la langue française). En japonais, c’est moins gênant car ils font au moins l’effort d’adapter les mots étrangers aux sonorités japonaises (comme on le faisait autrefois).
C’est vrai, ズボン avait toute sa place dans cet article, étonnant que je n’y aie pas pensé !