Le japonais est-il difficile à apprendre ? On fait le point !

Publié par Pierre, le 23 juin 2022

Temps de lecture :  minutes


Voici sans doute la question qui revient le plus souvent de la part des personnes qui ne parlent pas cette langue : le japonais est-il difficile à apprendre ? La réponse que l’on entend est presque toujours « oui ». Ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes : après tout, comment réussir à parler une langue, quelle qu’elle soit, quand on est persuadé qu’on n’y arrivera pas ? Tâchons d’apporter une réponse précise et nuancée à cette épineuse question.

Le japonais, une langue réservée à une élite ?

Il s’agit sans doute du moyen le plus facile de faire du clic quand on parle de langues sur Internet : lister « les langues les plus difficiles au monde ». Et – quelle surprise ! – le japonais y figure systématiquement.

De ces classements, on tire généralement deux conclusions complémentaires :

  1. Le seul moyen d’apprendre le japonais, c’est de le faire quand on est enfant. Par la suite, il est trop tard ;
  2. Ou alors, il faut être « bon en langues » et posséder un talent naturel pour cet exercice.

Si aucune de ces deux conditions n’est remplie, pas de bol : vous ne parlerez jamais japonais ! N’essayez même pas : c’est bien trop difficile, vous ne ferez que perdre votre temps.

Bon, si vous le voulez bien, prenons un peu de recul.

Si vous connaissez mon autre site, Le Monde des Langues, vous savez que je suis très sceptique vis-à-vis du concept de « langue difficile ». Et, inversement, celui de « langue facile » me dérange tout autant.

Pourquoi la question « Le japonais est-il difficile ? » n’a pas de sens

Pour bien comprendre ce principe, il est important de comprendre qu’aucune langue n’est facile ou difficile dans l’absolu. Au contraire, elle peut l’être de manière relative.

Une difficulté impossible à évaluer dans l’absolu

Prenons un exemple : j’ai eu l’occasion d’apprendre le finnois, une langue réputée particulièrement difficile. Tout comme le japonais, elle n’appartient pas à la même famille que le français, les langues indo-européennes.

Avec ses sonorités très exotiques et sa grammaire complexe, ses déclinaisons avec pas moins de quinze cas, le finnois apparaît comme une langue difficile à apprendre pour un francophone.

Et c’est là que réside toute la nuance : pour les francophones. Laissez-moi vous livrer une anecdote : j’ai à plusieurs reprises rencontré des Estoniens qui apprenaient eux aussi le finnois. Or, l’estonien, leur langue natale, appartient à la même famille que le finnois (les langues finno-ougriennes) et en est relativement proche. Pour vous donner une idée, l’une de mes profs à la fac considérait que le finnois et l’estonien étaient aussi proches l’un de l’autre que peuvent l’être l’espagnol et le portugais.

Vous vous en serez douté : pour les Estoniens, apprendre le finnois est (presque) toujours plus facile que pour un francophone.

C’est d’ailleurs le même principe pour d’autres familles de langues. Par exemple, le russe se traîne une réputation de langue difficile, mais n’est pas particulièrement compliqué pour un locuteur de l’ukrainien.

Le vrai problème du japonais : son statut de langue isolée ?

De son côté, le japonais fait partie des langues dites japoniques, ou « famille linguistique japonais-ryūkyū » (日琉語族). Comme son nom l’indique, cette famille regroupe d’une part le japonais et ses différents dialectes, d’autre part les langues ryūkyū, parlées dans l’archipel des îles Ryūkyū, au sud-ouest du Japon.

Par conséquent, on peut dire vulgairement que « le japonais ne ressemble à rien d’autre ». Contrairement à des langues comme l’espagnol ou l’anglais, un francophone n’a aucun élément proche du français auquel se raccrocher.

Autrement dit, si vous vous lancez dans la grande aventure du japonais, vous devrez donc apprivoiser une toute nouvelle famille de langues. Là où il est par exemple plus simple de démarrer le néerlandais si on connaît déjà l’allemand.

Comme, par-dessus le marché, le système d’écriture japonais n’a rien à voir avec le nôtre et utilise des caractères chinois, il est tentant d’en conclure, sans mauvais jeu de mots, que « c’est du chinois ».

Une langue « éloignée » plutôt que « difficile »

Plutôt que de parler de « langue difficile », il est donc plus pertinent de parler de langue éloignée du français. Si cette nuance peut ressembler à une tentative de couper le cheveu en quatre, elle est au contraire fondamentale. Car en parlant de « langue éloignée », on touche du doigt ce qui peut rendre le japonais délicat : des spécificités qui imposent de casser nos schémas mentaux du français, pour adopter une toute nouvelle manière de penser.

A présent, essayons de voir quels sont les éléments du japonais qui sont faciles ou au contraire difficiles d’accès pour un francophone.

Le japonais, facile ou non ?

Essayons d’isoler quelques points saillants de la langue japonaise, pour essayer de cerner les aspects simples ou au contraire ardus pour les francophones.

L’écriture : difficile d’accès

Sans doute la facette la plus effrayante du japonais : le mur de caractères totalement nouveaux. Pour maîtriser cette langue, il est indispensable de connaître trois écritures : les hiragana, les katakana, puis les kanji. Un sacré travail en perspective !

Si les hiragana et les katakana peuvent s’apprendre en l’espace de quelques semaines, les kanji vous demanderont beaucoup de temps et de pratique. Il existe pas moins de 2136 jōyō kanji (« kanji à usage commun ») à connaître pour une maîtrise parfaite du japonais. Si cette perspective vous rebute, je vous rassure : avec de la patience, les plus importants d’entre eux finiront par rentrer.

A cette masse d’informations à apprendre s’ajoute un effet psychologique. Une écriture inconnue peut en effet avoir un effet décourageant. Par exemple, des langues asiatiques comme le vietnamien ou l’indonésien sont tout aussi éloignées du français, mais le fait qu’elles utilisent l’alphabet latin peut avoir quelque chose de rassurant.

L’écriture japonaise : beaucoup de boulot !

Je tiens tout de même à relativiser ces points. Tout d’abord, les kana (hiragana et katakana) sont très simples dans leur fonctionnement et, surtout, sont entièrement phonétiques. A quelques subtilités près, le japonais se lit comme il s’écrit. On est à des années lumière de l’anglais, où l’orthographe d’un mot permet rarement de prédire sa prononciation.

Ensuite, concernant les kanji : ils rendent la lecture beaucoup plus simple. Comme ils ressemblent à des sortes de pictogrammes, on peut très vite balayer une phrase du regard et la lire sans trop d’efforts. A l’inverse, une même phrase rédigée intégralement en hiragana peut se révéler être très pénible à la lecture. Bien sûr, il faut atteindre un certain niveau avant de pouvoir s’en rendre compte, mais faites-moi confiance : vous finirez vite par ressentir le même effet.

=> Verdict sur l’écriture : difficile d’accès, mais de plus en plus facile au fur et à mesure que vous progresserez.

La prononciation du japonais : simple… mais subtile

Voici un autre cliché que l’on entend beaucoup au sujet du japonais : « la prononciation est incroyablement simple, tous les sons existent déjà en français ».

Je suis un peu embêté, car le propos de cet article est justement de casser la réputation de difficulté du japonais. Mais je me retrouve obligé de doucher les espoirs de ceux qui s’attendent à avoir un accent parfait du premier coup. Alors oui, la prononciation du japonais est simple et il existe peu de sons différents.

Cependant, il existe des subtilités qui ne doivent en aucun cas être ignorées. Sinon, vous prenez le risque d’avoir un mauvais accent en japonais et d’être parfaitement incompréhensible. Comme pour toute langue, vous devrez apprendre des sons qui n’existent pas en français, comme le fameux r japonais (proche du r battu espagnol), la voyelle u, les différentes prononciations du -n en fin de syllabe, le sons sh et ch qui ne se prononcent pas exactement comme le « ch » ou le « tch » en français, et ainsi de suite.

Ajoutons à ce tableau l’accent de hauteur, qui donne sa musicalité au japonais et qui est souvent totalement ignoré dans les manuels français. Là aussi, on a vite fait d’avoir une intonation peu naturelle. Dans certains cas, deux mots écrits strictement de la même façon peuvent se prononcer avec une intonation différente, comme はし (hashi), qui peut autant correspondre à 箸 (baguettes) qu’à 橋 (pont).

Voici la prononciation de ces deux mots.

箸 : ha↓shi (haut-bas)

橋 : ha↑shi↓ (bas-haut)

Vous entendez ? La différence est subtile, mais bien réelle. Selon des Japonais que j’ai eu l’occasion de questionner à ce sujet, plus que la prononciation des mots, l’intonation est souvent le problème n°1 des étrangers à l’oral.

=> Verdict sur la prononciation : relativement simple, mais subtile.

La grammaire japonaise : différente, plutôt que difficile

La grammaire a de quoi dérouter et peut apparaître comme un autre point complexe du japonais. Pour autant, je ne dirais pas qu’elle est difficile en soi. Ni même particulièrement facile. Simplement… différente.

La phrase japonaise se construit très différemment de la phrase française, à commencer par l’ordre des mots. En effet, le japonais suit un ordre Sujet – Objet – Verbe, contre Sujet – Verbe – Objet dans notre langue.

Autrement dit, pour dire « Je mange une pomme », on dira :

私はりんごを食べます。
Watashi wa ringo o tabemasu.

Mot à mot : « Je [marque du thème] pomme [marque du COD] mange ».

Si une langue comme l’allemand vous énerve car le verbe est parfois à la fin de la phrase, alors le japonais ne manquera pas de vous donner le tournis !

Pour le reste, le japonais comporte un certain nombre de points qui peuvent raisonnablement être considérés comme « faciles » :

  • Pas de genre grammatical, donc pas d’accord au masculin ou féminin ;
  • Pas de pluriel (en tout cas dans la grammaire) ;
  • Pas de déclinaisons (nominatif, accusatif, génitif…) ;
  • Une conjugaison très épurée, dans laquelle le verbe garde la même forme quel que soit le sujet, sans temps futur, ni mode comme le subjonctif.

En d’autres termes, sur certains points, on peut dire que le japonais est plus simple que le français.

De manière plus globale, la vraie difficulté du japonais est plutôt à chercher dans son éloignement par rapport au français. Construire une phrase naturelle vous oblige à penser d’une manière complètement différente et à user de tournures qui n’existent pas dans notre langue.

Par exemple, la fameuse différence entre は et が, dont nous ne manquerons pas de reparler, donne du fil à retordre aux francophones. La raison est simple : la différence entre thème et sujet n’existe quasiment pas en français. Il vous faut donc adopter une nouvelle manière de penser.

=> Verdict sur la grammaire : très logique, plus exotique que difficile.

Le vocabulaire : d’une immense richesse

Sans doute la pierre d’achoppement la plus importante du japonais, peu connue des débutants. Le vocabulaire japonais est extrêmement riche, avec de nombreux mots synonymes ou extrêmement proches, à une petite nuance près. Pour l’anecdote, le Web japonais regorge de pages expliquant la différence entre tel et tel mot. Comme quoi, les Japonais eux-mêmes s’y perdent.

En outre, le japonais est une langue extrêmement précise, qui possède de nombreux mots uniques là où le français en combinerait plusieurs pour rendre une idée.

Par exemple, le duo de mots 自国 (jikoku) et 他国 (takoku), respectivement « mon pays » (ou « son propre pays ») et « un autre pays ».

Ces termes, généralement d’origine chinoise, imposent un énorme travail de mémorisation si on souhaite atteindre un niveau avancé.

=> Verdict sur le vocabulaire : pas plus difficile qu’une autre langue, mais d’une richesse insondable.

Les niveaux de politesse : un système complexe

Un autre point du japonais qui ne saute pas aux yeux de prime abord : les différents niveaux de politesse. On peut globalement distinguer trois registres :

  • La langue parlée : celle de la vie de tous les jours, que l’on peut notamment reconnaître aux verbes à la forme neutre (comme 食べる, taberu, pour « manger ») ;
  • La langue polie : celle des manuels et que vous rencontrerez dans les lieux touristiques, appelée (丁寧語, teineigo) en japonais. On peut identifier aux verbes à la forme en -masu (comme 食べます, tabemasu) ;
  • La langue très polie : celle du monde professionnel, appelée 敬語 (keigo) en japonais. Elle implique parfois d’utiliser des formes spécifiques selon que l’on parle de soi modestement (謙譲語, kenjōgo) ou que l’on s’adresse à un interlocuteur de manière respectueuse (尊敬語, sonkeigo). Certains verbes peuvent également être différents (comme 召しあがる, meshi agaru, utilisé pour dire « manger » lorsque l’on s’adresse à une personne à qui l’on souhaite témoigner du respect).

Ces trois niveaux de politesse impliquent non seulement de connaître de nombreuses formes et verbes différents, mais aussi de savoir identifier à la fois le contexte dans lequel on évolue (amical, professionnel…) et notre position hiérarchique par rapport à notre entourage.

Il existe également une distinction plus marquée qu’en français entre les langages masculin et féminin. Les japonais et les Japonaises ne parlent pas tout à fait de la même façon, avec une expression généralement plus soutenue chez les locutrices.

=> Verdict sur la politesse : un système d’une grande complexité, que l’on peut aisément ignorer à un niveau débutant, mais qu’il faut connaître pour atteindre une maîtrise avancée du japonais.

Communiquer en japonais n’est pas foncièrement plus compliqué que dans une autre langue. Mais il y a des subtilités à connaître !

Verdict final : le japonais est-il difficile à apprendre ?

Il est à présent temps de trancher et de répondre à cette question. Alors, le japonais correspond-il vraiment à son image de langue inaccessible aux étrangers ?

A mon sens, non. Il s’agit avant tout d’une langue différente, avec des points qui sont à vrai dire relativement simples : pas de genres grammaticaux, pas de distinction singulier/pluriel, pas de déclinaisons, une conjugaison très régulière…

Complexe plutôt que difficile

Plutôt que de difficulté, il convient plutôt de parler de complexité. Le japonais est une langue très précise, qui emploie trois systèmes d’écriture pour plusieurs usages, des mots différents pour exprimer de fines nuances et divers registres en fonction du contexte.

S’il y a un mot à retenir de cet article, c’est bien celui-ci : le contexte. Le japonais est une langue hautement contextuelle, qui impose de comprendre l’environnement dans lequel on évolue. la langue est d’ailleurs à l’image de la société toute entière : il existe un grand nombre d’usages implicites et de règles non-écrites, qui ne sont pas toujours simples à appréhender pour un étranger.

Atteindre un niveau élevé implique donc de maîtriser de nombreuses subtilités. C’est vrai.

Mais osons le dire une bonne foi pour toutes : avoir les bases en japonais est facile. Vous voulez être en mesure de tenir une petite conversation, ou de vous dépatouiller lors d’un voyage ? Rien ne vous en empêche., quel que soit votre âge ou vos talents linguistiques présumés.

Le plus important : vous y mettre

Votre priorité reste donc de débuter dès maintenant votre apprentissage du japonais. Donc laissez tomber ces clichés usés voulant qu’il soit impossible d’apprendre cette langue en tant qu’étranger, en tant qu’adulte, ou encore sans y vivre pendant des années.

Si vous voulez vous lancer dans l’aventure du japonais, vous pouvez commencer par télécharger votre kit de bienvenue gratuit, qui vous fournira tous les éléments dont vous avez besoin (tableaux des kana, guide de conversation, liste des ressources…).

Et vous, quels sont les points du japonais qui vous paraissent faciles, ou au contraire compliqués ? Vous pouvez nous en faire part dans les commentaires.


Pierre


Je suis le créateur de Ganbare. Polyglotte et passionné par la culture japonaise, j'ai décidé de mettre à votre service mes meilleures méthodes pour apprendre le japonais.


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