Lectures des kanji : tout comprendre au kun’yomi et on’yomi

Publié par Pierre, le 18 avril 2024

Temps de lecture :  minutes


Il n’est déjà pas simple d’apprendre les kanji, ces caractères aussi nombreux que complexes. Ils constituent sans doute l’un des plus gros obstacles à la maîtrise du japonais. Comme si cette difficulté ne suffisait pas, les lectures des kanji, c’est-à-dire leurs prononciations possibles, représentent un autre gros morceau. Si vous avez du mal à vous y retrouver dans les on’yomi et kun’yomi, cet article vous aidera à y voir plus clair.

Les lectures des kanji : de quoi parle-t-on ?

Le terme « lecture » (読み en japonais) désigne la prononciation d’un kanji en japonais. Si certains caractères comportent des éléments permettant de deviner la manière dont ils se prononcent, c’est loin d’être toujours le cas. Par conséquent, lorsqu’on se retrouve devant un kanji, une question se pose inévitablement : comment se prononce-t-il ?

Cette problématique s’étend naturellement aux mots. Lorsque vous tombez sur un nouveau mot, comment le prononcer, si vous ne connaissez pas les kanji qui le composent ? Et même si vous les connaissez, quelle prononciation précise employer ?

Par exemple, le mot 明日 (« demain ») peut tout à fait se lire ashita, asu, myōnichi ou encore meijitsu. Pas facile de s’y retrouver !

Pourquoi les kanji ont-ils plusieurs prononciations ?

Pour répondre à cette question, un retour sur l’histoire de la langue s’impose. Le japonais appartient à la famille des langues japoniques. Contrairement au français qui possède de nombreux « cousins » (des langues romanes comme l’espagnol ou l’italien, mais aussi d’autres langues indo-européennes comme l’anglais ou le russe), la famille japonique est un isolat. Elle comprend uniquement le japonais et ses différents dialectes, mais aussi les langues ryūkyū, parlées dans les îles Ryūkyū, au sud-ouest du Japon.

Les langues japoniques n’ont pas de parenté fermement établie avec d’autres familles, même si certains linguistes ont proposé une origine commune avec des langues telles que le coréen ou le turc. Pour ce billet, nous en resterons à un constat simple : le japonais est une langue isolée, qui n’a jamais développé de système d’écriture indigène.

Pendant une grande partie de son histoire, le japonais était donc une langue uniquement orale. Les contacts avec le voisin chinois ont permis de rapporter une innovation bien pratique : les sinogrammes.

Les caractères chinois au service du japonais

Comme je l’expliquais dans mon article sur l’écriture japonaise, cette dernière est une adaptation locale de l’écriture chinoise. Ce phénomène n’a rien d’extraordinaire : après tout, notre alphabet latin provient de l’alphabet grec, qui s’inspire lui-même de l’alphabet phénicien.

Le problème, c’est que le chinois appartient à un groupe de langues complètement différent : les langues chinoises, de la famille des langues sino-tibétaines. Les caractères chinois ont donc été créés pour les besoins des diverses langues chinoises. A l’origine, ils n’étaient absolument pas adaptés aux spécificités du japonais !

Les Japonais ont donc dû faire preuve d’ingéniosité pour créer leurs kanji à partir des caractères chinois. Ce travail de conversion est l’une des raisons qui expliquent la grande diversité de lectures.

Un vocabulaire hétérogène

Une autre particularité du japonais est le caractère hybride de son vocabulaire. Un dictionnaire, le Shinsen Kokugo Jiten, donne la répartition suivante :

  • 33,8 % des mots proviennent du japonais archaïque : ce sont les 和語 (wago), littéralement « mots japonais » ;
  • 49,1 % du lexique a été emprunté au chinois : ce sont les 漢語 (kango), soit les « mots chinois » ;
  • Le reste du vocabulaire comprend 8,8 % de gairaigo (外来語), pris à d’autres langues (anglais, portugais, récemment au chinois…) et 8,3 % de konshugo (混種語), des mots d’origine mixte.

Pour simplifier, on peut donc dire que les kanji répondent à un triple impératif :

  1. Ecrire les mots d’origine japonaise, tout en conservant leur prononciation d’origine ;
  2. Ecrire les mots chinois, avec une prononciation adaptée à la phonétique du japonais ;
  3. Transcrire phonétiquement des mots d’origine étrangère, pour les intégrer à la langue.

La troisième catégorie est tombée en désuétude, dans la mesure où les termes étrangers sont désormais écrits en katakana. Nous la laisserons donc de côté, mais on en retrouve des traces dans le vocabulaire. Par exemple, le tempura, ce beignet d’origine portugaise, peut s’écrire en kanji 天麩羅 ou 天麩羅, avec des caractères utilisés pour leur valeur phonétique (ten – fu – ra). L’orthographe 天ぷら, désormais plus courante, conserve d’ailleurs le kanji 天 (ten).

Mots japonais, mots chinois

Cela nous laisse donc avec deux possibilités : d’un côté, employer les kanji pour retranscrire les mots d’origine japonaise, de l’autre, pour écrire les mots empruntés au chinois. Cette dualité est à la base des deux grands types de prononciations : la lecture kun (« japonaise ») et la lecture on (« chinoise »).

Les kanji peuvent donc avoir plusieurs lectures différentes, en fonction du mot dans lequel ils se trouvent. La plupart des caractères possèdent au moins une lecture on et une lecture kun, mais ce n’est pas toujours vrai. Par exemple, 込 ne possède aucune lecture on, 燵 aucune lecture kun.

Voyons à présent plus en détail à quoi correspondent ces deux lectures.

La lecture kun

La lecture kun, ou 訓読み (kun’yomi), sert donc à écrire les mots d’origine japonaise, aussi appelés yamato kotoba. On parle aussi de « lecture sémantique », car on s’attache ici au sens du mot.

Des caractères pris pour leur sens

Le principe est le suivant : les Japonais ont pris leurs propres mots, qui n’existaient alors que sous forme orale, puis leur ont adjoint un caractère chinois. Par exemple, « montagne » se dit yama. Ce mot a reçu le caractère chinois 山, qui a lui aussi le sens de « montagne ». D’où la lecture kun du kanji 山, yama.

Pour faire un parallèle étonnant, on peut imaginer que si les Français avaient adopté l’écriture chinoise, ils auraient pu écrire « montagne » avec le caractère chinois 山, tout en gardant la prononciation « montagne ». C’est un peu bizarre, je vous l’accorde, mais c’est précisément la logique qu’ont suivi les Japonais pour créer la lecture kun.

Ecrire les mots seuls

Le premier emploi de la lecture kun est donc de noter les mots composés d’un seul caractère. Nous avons vu 山 (yama), « montagne », mais on peut également citer 水 (mizu), « eau », 風 (kaze), « vent », 杉 (sugi), « cèdre »… Tous ces mots proviennent directement du japonais archaïque et ont reçu un caractère chinois, tout en gardant leur prononciation « purement japonaise ».

Certains mots peuvent même avoir plusieurs lectures kun. Par exemple, pour indiquer l’est, il existait à l’origine deux mots, qui ont donné en japonais moderne higashi et azuma. Ayant tous les deux le sens de « est », ils ont reçu le caractère chinois 東 (« est »). Le kanji 東 a donc deux lectures kun, à savoir higashi (plus commune) et azuma (plus rare).

Quelques mots composés d’un seul kanji ont toutefois une lecture on. C’est le cas de 本, « livre », qui a la lecture on hon.

Une dernière remarque : là où les lectures on n’ont en général qu’une ou deux syllabes, il n’y a pas de limite pour les lectures kun. Des mots japonais de trois ou quatre syllabes retranscrits avec un seul caractère ne sont pas rares. On a vu 東 (higashi), mais on peut également citer 唇 (kuchibiru), « lèvres », 嘴 (kuchibashi), ou encore 志 (kokorozashi), « intention », avec pas moins de cinq syllabes !

Le radical des verbes et adjectifs en -い

Je vous disais plus haut que les caractères chinois n’étaient pas très adaptés à la langue japonaise. Ce décalage est criant avec les terminaisons des verbes et des adjectifs, qui n’existent pas en chinois. Les kanji sont donc insuffisants pour noter la grammaire.

Pour remédier à ce problème, les Japonais ont eu recours à un « bricolage » : les okurigana (送り仮名). Il s’agit de hiragana qui indiquent la terminaison du verbe ou de l’adjectif. On a donc l’association suivante :

Radical (kanji, lecture kun) + terminaison (hiragana)

Prenons un exemple : en chinois, pour dire « manger », on utilise le caractère 吃, sans terminaison. En japonais, c’est un peu plus complexe. On utilise le verbe 食べる (taberu), qui se conjugue. Notez la structure :

Radical (kanji, lecture kun)

Terminaison (hiragana)

食 (ta)

べる (beru)

Le kanji reste invariable, tandis que la terminaison change. Voici quelques exemples, toujours avec le verbe 食べる :

Forme

Conjugaison

Présent

食べる

Présent poli

食べます

Passé

食べた

Passé poli

食べました

Ce système vaut également pour les adjectifs en -い, c’est-à-dire qui ont une terminaison en -i. Nous reviendrons sur ce concept dans un futur article.

Voici quelques adjectifs en -い : 楽しい (tanoshii, « agréable »), 凄い (sugoi, « super, très »), 高い (takai, « haut, cher »). A chaque fois, le radical est un kanji avec une lecture kun, la terminaison est notée en hiragana.

Comme pour les verbes, le radical reste invariable, tandis que la terminaison en hiragana change. Voici quelques exemples avec l’adjectif 楽しい :

Forme

Déclinaison

Présent

楽しい

Présent négatif

楽しくない

Passé

楽しかった

Passé négatif

楽しくなかった

Retenez que ces verbes et ces adjectifs ont une origine japonaise, d’où l’emploi de la lecture kun. Il existe des verbes et adjectifs d’origine chinoise, que nous verrons plus loin dans cet article.

La lecture on

Passons à l’autre grande catégorie, la lecture on, ou 音読み (on’yomi), ce qui peut se traduire par « lecture phonétique ». A l’inverse de la lecture kun qui se base sur le sens d’un caractère, la lecture on l’utilise pour sa prononciation.

Des caractères pris pour leur valeur phonétique

Rappelons tout d’abord que près de la moitié du vocabulaire japonais provient du chinois (49,1 % pour être exact).

Lorsque les Japonais ont importé ces mots chinois, ils les ont repris avec leurs sonorités. Cette transition ne s’est pas fait sans heurts, car la prononciation des deux langues est très différente. Non seulement le chinois possède de nombreux sons qui n’existent pas en japonais, mais il utilise en plus un système de tons. Les Japonais ont donc pris des mots chinois et les ont passé « à la moulinette » de leur propre langue. Les tons ont disparu ou été transformés en voyelles longues. En gardant ce contexte à l’esprit, il devient facile de reconnaître la lecture on d’un caractère.

Comment reconnaître une lecture on

Tout d’abord, le chinois fait généralement correspondre une syllabe à un caractère. En conséquence, une lecture d’une syllabe est presque toujours une lecture on. Reprenons notre kanji 山. Il possède deux lecture on, sen et san, toutes les deux issues du chinois. Il est facile de les identifier comme des lectures on car elles n’ont qu’une syllabe, tandis que yama, la lecture kun, en comporte deux.

Attention cependant, car l’inverse n’est pas toujours vrai : il existe des lectures on de deux syllabes. Par exemple, le kanji 食 (nourriture, manger) possède les lectures on jiki, comme dans 断食 (danjiki, « jeûne ») et shoku, comme dans 定食 (teishoku, « menu fixe »).

Ensuite, en adaptant le système tonal du chinois, les Japonais ont créé des mots contenant des voyelles longues. Une lecture comportant une voyelle longue est donc une lecture on. Le kanji 東 (« est »), peut se prononcer tō, comme dans 東京 (Tōkyō). Eh oui, le nom de la capitale japonaise est d’origine chinoise et signifie « capitale (京) de l’est (東) », donc avec deux kanji en lecture on, qui comportent une voyelle longue.

La lecture des mots composés

Ce dernier exemple permet de faire une transition vers le principal usage de la lecture on : les mots « composés » d’origine chinoise, qui comportent plusieurs syllabes, généralement deux. Alors que la lecture kun est très présente lorsqu’un kanji se retrouve seul, lorsque celui-ci est accolé à d’autres kanji pour former un mot, c’est la lecture on qui prédomine. Ces mots de plusieurs kanji sont appelés jukugo (熟語) en japonais.

Illustrons ce point avec quelques mots qui contiennent le kanji 山. Vous connaissez déjà le mot 山, « montagne », qui se prononce avec la lecture kun du kanji 山 (yama). Prenons maintenant le mot 山頂 (sanchō), « sommet de la montagne ». On a ici une lecture on du caractère 山, à savoir san. Autre exemple : 火山 (kazan), « volcan », où le -zan est une version déformée de la même lecture san. Le mot 山道, « chemin de montagne », peut se prononcer sandō ou sendō, soit avec deux lectures on du kanji 山, san et sen.

Il existe évidemment des exceptions (sinon ce ne serait pas drôle), avec des mots composés qui acceptent une lecture kun. 山道 peut également se prononcer yamamichi, avec les lectures kun yama (山) et michi (道). La lecture kun se retrouve d’ailleurs souvent dans les noms de famille japonais comportant plusieurs kanji, comme 高橋 (Takahashi) ou 田中 (Tanaka).

Retenez dans tous les cas cette idée : la présence dans un mot composé, une longueur d’une syllabe ou deux, ou encore une voyelle longue sont autant d’indices qui vous mettront sur la voie d’une lecture on.

Les verbes nominaux

Si les verbes d’origine japonaise utilisent une lecture kun, il existe une catégorie de verbes qui emploient une lecture on. Il s’agit des verbes qui combinent un nom d’origine chinoise avec le verbe する, « faire ». Par exemple, le nom 結婚 (kekkon), « mariage », donne le verbe 結婚する (kekkon suru), « se marier ». Idem avec 理解する (rikai suru), « comprendre », ou 料理する (ryōri suru), « cuisiner ». C’est à chaque fois la lecture on qui prévaut.

Dans l’absolu, cela ne change pas grand-chose à la règle concernant les verbes (normalement en lecture kun) : du point de vue de la grammaire, le véritable verbe dans ces structures est bien する.

Les quasi-adjectifs ou adjectifs en -な

Contrairement aux adjectifs en en -い, une majorité d’adjectifs en -な emploie une lecture on. Ils sont aussi appelés « quasi-adjectifs », car comme les verbes vus précédemment, il s’agit avant tout de noms d’origine chinoise, qui se transforment en adjectifs grâce au suffixe -な.

Par exemple, 有名 (yūmei), « célèbre », donne l’adjectif 有名な, comme dans 有名な人 (yūmei na hito), « une personne célèbre ». Idem avec 便利 (benri), « pratique », 元気 (genki), « en bonne santé » ou 安全 (anzen), « sûr ». Il s’agit à chaque fois d’adjectifs en -な, dérivés de noms d’origine chinoise, qui imposent une lecture on.

Sans surprise, il existe des exceptions. Certains adjectifs en -な sont d’origine japonaise, avec une lecture kun. Les plus connus sont sans doute 好き (suki), « aimé », qui dérive du verbe 好く (suku), et 静か (shizuka), « calme, silencieux ». La présence de hiragana dans ces deux adjectifs doit vous mettre sur la piste d’une origine purement japonaise, qui implique une lecture kun.

The show must go-on, ou les quatre types de lectures on

Si vous avez déjà recherché un kanji dans un dictionnaire, vous avez peut-être remarqué un étrange détail : il y a une seule catégorie de lectures kun, mais plusieurs de lectures on. Comme si tout cela n’était pas déjà suffisamment compliqué ! Il existe en effet plusieurs lectures on différentes. Dans les faits, vous pouvez très bien apprendre le japonais sans jamais vous en soucier. Comme nous sommes sur le sujet, autant les présenter.

Un nouveau retour sur l’histoire de la langue s’impose. Quand on évoque l’origine chinoise des mots japonais, on a souvent l’image monolithique d’une arrivée en masse de mots chinois dans le vocabulaire japonais, qui s’est faite en une fois avant de s’arrêter complètement. En réalité, les échanges culturels entre les deux pays n’ont jamais cessé. Le Japon a donc emprunté des mots à la Chine dans plusieurs régions, mais aussi dans plusieurs langues chinoises différentes. Pour cette raison, un spécialiste remarquera sans mal que certaines lectures on se rapprochent davantage du chinois médiéval ou d’autres langues chinoises, comme le cantonais ou le wu, plutôt que du mandarin moderne.

Voici les quatre ensembles de lectures on.

Go-on (呉音)

Littéralement, « son Wu ». Cette prononciation correspond à celle qui était utilisée vers les Ve et VIe siècles, autour de la capitale de l’époque, Jiankang (actuelle Nanjing). Ces sonorités se rapprochent des langues Wu, comme le shanghaïen.

De nos jours, la lecture go-on se retrouve dans des termes liés au bouddhisme, comme 極楽 (gokuraku), « paradis », ou dans les chiffres, comme 一 (ichi), « un ».

Kan-on (漢音)

Vous aurez peut-être reconnu le kanji 漢, qui corresponds à l’ethnie chinoise des Hans. Ces prononciations ont été importées entre le VIIe et le VIIIe siècles, à l’époque de la dynastie Tang.

Notamment pendant l’époque de Nara, les Japonais ont envoyé de nombreuses missions en Chine pour en rapporter des connaissances. De nouveaux mots qui n’existaient pas en japonais ont été importés par ce biais. La lecture kan-on correspond donc à la prononciation du chinois médiéval de la région de Chang’an (aujourd’hui Xi’an), capitale chinoise de cette époque.

Tō-on (唐音)

Etrangement, ce « son Tang » ne correspond pas à la dynastie des Tang (唐), plutôt aux dynasties plus tardives des Song (960-1279) jusqu’aux Ming (1368-1644).

Des mots tels que 椅子 (isu), « chaise », 蒲団 (futon), ou encore le nom de la dynastie Ming, 明 (min), correspondent à une lecture tō-on.

Kan’yō-on (慣用音)

Cette dernière catégorie est un peu particulière, car elle correspond à une lecture « usuelle » empruntée au chinois, souvent dans des idiomes, qui ne correspond pas aux règles habituelles de prononciation des kanji. Cette lecture reste rare et est considérée comme irrégulière.

La lecture yu du kanji 輸 (« transport ») est par exemple un kan’yō-on, comme dans le mot 輸入 (yunyū), « import ».

Encore une fois, vous n’avez pas besoin de connaître tous ces détails. Ils vous permettront simplement de mieux comprendre pourquoi il existe tant de lectures on différentes. Gardez simplement en tête que la lecture kan-on est la plus répandue.

La lecture nanori

Arrive le moment où vous allez me détester. Il existe une autre lecture plus confidentielle, le nanori yomi (名乗り読み). Elle concerne des noms propres (prénoms, noms de famille, noms de lieux…) qui comportent une lecture irrégulière d’un kanji.

Par exemple, le kanji 飯 possède la lecture nanori ii dans les noms 飯 (Ii) ou 飯田 (Iida). Le kanji 田 garde une lecture kun classique ta, ici transformée en -da.

La lecture nanori est donc très courante dans les noms propres. Ne vous étonnez donc pas si vous rencontrez des noms de villes ou de personnes avec des lectures déroutantes. Inusitée dans les noms communs, elle ne vous servira donc pas pour apprendre du vocabulaire.

Les mots à lecture spéciale

Il existe quelques bizarreries, qu’il est utile de connaître.

Certains mots en japonais peuvent mélanger des lectures on et kun, comme 台所 (daidokoro), cuisine », qui mélange 台 (lecture on) et 所 (lecture kun). On parle de lecture jūbako (重箱読み) pour l’ordre on-kun et de lecture yu-tō (湯桶読み) pour l’ordre kun-on.

Dans les mots créés au Japon, les mélanges complexes de lectures ne sont pas rares. Par exemple, le nom de l’art martial appelé 合気道 (aikido) combine kun / kan-on / go-on pour ses trois kanji.

Terminons avec la lecture jukujikun (熟字訓). Elle combine plusieurs kanji avec une lecture spécifique. Par exemple, le mot 今日 (« aujourd’hui ») possède une lecture go-on régulière, konnichi, mais aussi une lecture irrégulière très courante, kyō. Même chose pour 大人 (otona). Les caractères étant utilisés ici pour leur sens avec une prononciation purement japonaise, on peut considérer qu’il s’agit d’une « lecture kun à plusieurs kanji ».

Lectures des kanji : comment les mémoriser

Il y aurait encore beaucoup de choses à dire, notamment concernant les ateji, une utilisation purement phonétique des kanji pour écrire des noms, comme dans le mot 寿司 (sushi). Comme il ne s’agit pas d’une lecture à proprement parler, nous en parlerons dans un prochain article.

Finissons avec la question qui vous brûle les lèvres : comment retenir les lectures des kanji ? Il n’y a pas de solution magique. Mentionnons déjà une chose qui ne marche pas : essayer de toutes les apprendre une par une. Vous finirez inévitablement par vous mélanger les pinceaux.

A la place, apprenez des mots et déduisez les lectures des kanji qui les composent. Ce processus est beaucoup plus naturel et vous permet de vous concentrer sur l’essentiel : acquérir du vocabulaire, plutôt qu’une collection de lectures dénuées de tout contexte.

Prenons le kanji 清 (« clair, pur »), qui possède des lectures assez variées. Voici ce que donne le Wiktionary :

Si vous essayez de toutes les apprendre par cœur, vous vous tirez une balle dans le pied. Il est préférable d’y aller étape par étape. Vous pouvez d’ores et déjà laisser tomber les lectures nanori, qui correspondent à des noms propres. La lecture tō-on shin est très spécialisée et concerne la dynastie chinoise des Qing (清, shin). Vous la verrez donc dans un second temps. Vous tomberez peut-être un jour sur le verbe 清める (kiyomeru), qui vous donnera la lecture kun kiyo. Une autre fois, sur le nom 清掃 (seisō) vous fournira la très fréquente lecture kan-on sei. Quant à la lecture go-on, shō, je ne l’ai personnellement jamais rencontrée dans un terme comprenant le kanji 清. Vous avez donc ma bénédiction pour la faire passer à la trappe.

Vous voyez l’intérêt ? En procédant ainsi, vous vous concentrerez sur les lectures réellement importantes et aurez l’occasion de les apprendre en contexte. Vous finirez vite par retenir les lectures des kanji les plus fréquents, quasiment sans effort.

Les lectures dans les dictionnaires

Une dernière astuce qui pourra vous être utile : il existe un standard pour noter les lectures dans les dictionnaires. Les lectures kun sont données en hiragana ou en minuscules, tandis que les lectures on sont données en katakana ou en majuscules. Par exemple, pour le kanji 山, on a :

  • Lectures on : セン, サン / SEN, SAN
  • Lecture kun : やま / yama

Vous trouverez cette nomenclature dans de nombreux dictionnaires de kanji, comme le fameux Kanji et Kana. Pour ma part, j’ai opté pour la présentation en katakana et hiragana sur la page Instagram de Ganbare. J’y publie régulièrement des fiches pour présenter des kanji importants.

J’espère que ce dossier vous a permis de mieux comprendre à quoi correspondent les différentes lectures des kanji et surtout qu’il vous facilitera la tâche dans votre apprentissage.


Pierre


Je suis le créateur de Ganbare. Polyglotte et passionné par la culture japonaise, j'ai décidé de mettre à votre service mes meilleures méthodes pour apprendre le japonais.


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Laissez-nous un commentaire

  • Bonjour. Merci beaucoup pour cet article, très intéressant.

    Je voulais également signaler quelques autres cas particuliers :

    – la « lecture sémantique » (訓読み) ne provient pas toujours d’une lecture native japonaise, mais peut parfois provenir du chinois. C’est le cas par exemple du cheval 馬 ou de « l’abricot japonais » 梅 : leurs lectures sémantiques respectives うま et うめ proviennent du chinois, mais ces choses ont une histoire tellement longue avec le japonais que ce sont devenus des « mots natifs japonais ».

    Et dans l’autre sens, pas mal de mots « empruntés en chinois », sont en réalité des mots qui n’existent pas en chinois : on appelle ça des 和製漢語 (wasei kango). Beaucoup de mots scientifiques, politiques, économiques, sociétaux, ont ainsi été créés sur le modèle étymologique de mots occidentaux durant les ères Edo et Meiji. Pire : ces mots de création japonaise, « empruntant » des lectures chinoises aux kanjis, ont ensuite, pour beaucoup, été importés… en Chine !

    D’où ma question : est-ce que parmi le pourcentage de « mots empruntés au chinois », cela inclut également les 和製漢語 ?

  • Merci pour ce commentaire. J’avoue que je découvre la supposée origine chinoise de うま et うめ. Ça ne change pas forcément grand-chose à la règle, dans la mesure où les Japonais eux-mêmes considèrent que ces mots sont passés par le japonais archaïque.

    Concernant les wasei kango et leur place dans le vocabulaire japonais, c’est une excellente question ! Il faudrait la poser à un linguiste, car je n’ai pas la réponse. Je suppose qu’ils sont rangés parmi les kango, dans la mesure où ils ont été tirés de racines chinoises.

    Par exemple, 哲学 (philosophie) reprend les lectures on des caractères 哲 et 学, on peut donc considérer qu’il reste d’origine chinoise, donc un kango.

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