L’écriture japonaise est l’un de ses aspects les plus frappants. Comme n’importe quelle langue qui n’utilise pas l’alphabet latin, le japonais peut être rebutant au premier abord : impossible de lire quoi que ce soit ! Face à ce défi de taille, il peut être tentant de remettre à plus tard votre apprentissage des caractères. Ce serait pourtant une grave erreur. Laissez-moi vous donner 10 raisons d’apprendre les kana sans plus attendre.
Les kana : de quoi parle-t-on ?
Si vous venez d’arriver sur le blog, je vous recommande de lire mon article sur l’écriture japonaise pour y voir plus clair. On peut considérer que le japonais possède deux grands systèmes d’écriture : d’une part, les kanji (漢字), ces caractères empruntés au chinois, d’autre part, les kana (仮名), eux-mêmes dérivés des kanji, qui ont une valeur phonétique.
Hiragana et katakana, deux syllabaires complémentaires
Les kana se divisent en deux catégories : les hiragana (平仮名) et les katakana (片仮名). Il s’agit dans les deux cas de syllabaires : à chaque kana correspond une combinaison consonne + voyelle. Pour chaque syllabe, il existe une paire composée d’un hiragana et d’un katakana. Par exemple, la syllabe na s’écrit な en hiragana et ナ en katakana, tandis que la syllabe ro s’écrit ろ en hiragana et ロ en katakana. Seule exception : le -n final (ん/ン), qui se place toujours à la fin d’une syllabe.
On peut donc écrire n’importe quel mot japonais dans l’un ou l’autre de ces deux syllabaires. Par exemple, on peut tout à fait transcrire le nom kana かな (en hiragana) ou カナ (en katakana) : la prononciation sera rigoureusement identique. Cela étant dit, les deux types de kana répondent à des usages différents. Pour simplifier, les hiragana servent à écrire les noms japonais et les katakana les noms étrangers. Pour plus de précisions, vous pouvez jeter un œil aux deux articles dont j’ai donné le lien ci-dessus.
Voici une représentation visuelle de ces deux syllabaires :
Je vous invite au passage à vous inscrire sur le site (c’est gratuit) pour recevoir ces deux tableaux en haut résolution, en plus de nombreuses autres ressources. Les avoir à portée de main vous facilitera la lecture de cet article.
Peut-on retarder leur apprentissage ?
Heureusement, le japonais possède un autre système d’écriture : les rōmaji (ローマ字, « lettres romaines »), qui correspondent à notre alphabet latin. Plusieurs transcription du japonais avec nos caractères ont été mises en place, la plus connue étant la Hepburn (ヘボン式, Hebon shiki). Il est donc théoriquement possible d’écrire le japonais uniquement en rōmaji.
Alors, pourquoi ne pas tout simplement commencer par apprendre la langue en se basant uniquement sur la transcription latine ? L’écriture sera laissée pour plus tard, lorsque vous aurez déjà de bonnes bases. C’est une approche qu’utilisent plusieurs méthodes de japonais que j’ai eu l’occasion de feuilleter. Selon moi, elle est contre-productive.
Vous avez tout intérêt à commencer à apprendre les kana dès le tout début de votre étude. Leur maîtrise vous apportera énormément de bénéfices. Voyons lesquels.
10 raisons d’apprendre les kana le plus tôt possible
Voici quelques arguments en faveur d’un apprentissage précoce des kana.
Raison n°1 : les kana font partie intégrante de la langue
Saviez-vous qu’il était possible d’écrire le français en kana ? La preuve : il existe de nombreux mots français en japonais, transcrits en katakana. Pourtant, le français écrit uniquement de cette manière vous semblerait sans doute très déroutant… Et vous auriez bien raison ! Pour un Japonais, un texte dans sa langue uniquement en rōmaji peut s’avérer difficile à lire.
Le japonais est inséparable de son écriture : il est impensable de faire l’impasse dessus. Si vous cherchez une expérience d’immersion complète, vous avez tout intérêt à vous plonger dans les kana.
Raison n°2 : les kana sont logiques et faciles à apprendre
Il est important d’insister sur le fait que mémoriser les kana n’est pas bien compliqué. Certes, il existe 46 hiragana et 46 katakana, pour un total de 92 caractères : un sacré travail en perspective ! Il faut néanmoins nuancer ce constat.
Tout d’abord, les kana sont d’une logique à toute épreuve. En suivant l’ordre officiel, le gojūon (五十音, « cinquante sons »), on voit qu’ils sont tous composés d’une voyelle parmi 5 (a, i, u, e, o) et d’une consonne, en suivant l’ordre consonne + voyelle. Si vous reprenez les tableaux ci-dessus, vous trouverez bien A I U E O, KA KI KU KE KO, etc.
Ensuite, certains hiragana et katakana sont quasiment identiques, dans la mesure où ils proviennent du même caractère chinois. Par exemple, pour he, on a le duo へ/ヘ. Oui, la différence est subtile. On a également お/オ (o, de 於), か/カ (ka, de 加), め/メ (me, de 女), や/ヤ (ya, de 也)… C’est parfois plus subtile, par exemple avec ろ/ロ (ro), qui dérivent bien du kanji 呂. Il y a évidemment des exceptions, avec un hiragana et un katakana ayant la même prononciation mais provenant d’un kanji différent. Ainsi, le -n final s’écrit ん en katakana (du kanji 无) et ン en katakana (du kanji 尓). Retenez cependant que la paire hiragana-katakana découle assez souvent du même kanji.
Par conséquent, même si l’apprentissage des kana demande un peu de temps, leur côté logique fait qu’il est relativement facile de les maîtriser, contrairement aux kanji, beaucoup plus nombreux. Aucune excuse donc pour ne pas s’y mettre séance tenante !
Raison n°3 : les kana sont conformes à la prononciation du japonais
Autre avantage des kana : ils sont au plus près de la prononciation du japonais. Pas de bizarrerie comme en français où « eau » se prononce « o », si vous lisez un mot écrit en kana, vous êtes sûr de connaître sa prononciation. Il existe deux exceptions liées à la grammaire, le は (ha) qui se prononce wa lorsqu’il introduit le thème de la phrase, ou encore le を (wo) qui se prononce o pour accompagner un complément d’objet direct. A part ces deux cas particuliers, il est impossible de se tromper.
Si la phonétique du japonais pose peu de difficultés à un francophone, le fait de lire des rōmaji risque de vous influencer inconsciemment. Le r japonais est par exemple totalement du r français et plus proche du r espagnol. Donc si vous lisez le mot roku (« six ») en japonais, vous serez plus tenté de prononcer le r « à la française » (le u aussi, du reste) que si vous lisiez ce mot en hiragana (ろく).
Dernier argument contre les rōmaji : ils peuvent créer des ambiguïtés de prononciation. Par exemple, entre le mot kinen (きねん, « commémoration ») et kin’en (きんえん, « interdiction de fumer ». Si l’apostrophe dans kin’en permet de faire la différence, il faut reconnaître que la graphie en hiragana est plus explicite (きねん / きんえん).
Raison n°4 : les kana permettent de lire plus facilement les kanji
Il y a en revanche un domaine dans lequel la prononciation japonaise n’est pas évidente : les kanji. En effet, si je vous redonne le mot きんえん (kin’en) uniquement écrit en kanji, 禁煙, il y a de fortes chances pour que vous ne sachiez pas le lire.
Pour pallier ce problème, les Japonais ont inventé une aide visuelle bien pratique : les furigana (振り仮名). Il s’agit de petits hiragana placés au-dessus d’un kanji pour en préciser la lecture. On en trouve systématiquement dans les méthodes de japonais, dans les livres pour enfants, mais aussi dans des publications pour adultes, pour accompagner des mots rares ou techniques.
La lecture des kanji est très rarement indiquée en rōmaji. Je le fais sur ce site pour qu’il soit accessible aux débutants (et parce que je suis sympa), mais dans les textes en japonais, vous trouverez uniquement des furigana. On peut donc affirmer que les kana sont une porte d’entrée vers les kanji.
Raison n°5 : mieux comprendre la grammaire du japonais
Un peu plus haut, j’indiquais que deux hiragana avaient une prononciation particulière lorsqu’ils étaient employés comme particules grammaticales, は et を. De manière générale, les hiragana sont utilisés pour noter la grammaire du japonais. Vous rencontrerez d’autres particules comme が (sujet), の (possession), で (lieu, moyen)…
Ce n’est pas tout : les verbes et adjectifs ont en principe leur radical en kanji et leur terminaison en hiragana. Dans l’image ci-dessus, on a par exemple 変わって, du verbe 変わる (kawaru), « changer ». Le radical est en kanji (変-), la terminaison en hiragana (-わる). Idem pour l’adjectif 悪い (warui, « mauvais »), dont le radical est en kanji (悪-) et la terminaison en hiragana (-い).
Vous voyez donc l’intérêt pour vous : connaître les hiragana est une étape essentielle pour maîtriser la grammaire japonaise.
Raison n°6 : connaître l’ordre alphabétique japonais
Peut-être un point plus anecdotique, mais qui vous fera gagner un temps fou si vous utilisez un dictionnaire papier, par exemple celui inclus dans votre méthode. L’ordre alphabétique en japonais suit celui des kana et non celui de l’alphabet latin. Connaître l’ordre japonais, a i u e o, vous permettra donc de trouver plus rapidement un mot dans le dictionnaire.
Raison°7 : un prérequis pour les manuels japonais
Si les manuels francophones ont volontiers recours aux rōmaji, ce n’est pas le cas de ceux conçus au Japon. Par exemple, le très bon Minna no nihongo utilise uniquement les kanji et les kana pour écrire en japonais. L’alphabet latin y est réservé aux notes et traductions en français. Pour profiter pleinement de la méthode, mieux vaut donc apprendre les kana dès le départ.
Cette problématique est encore plus prégnante avec les manuels de niveau intermédiaire et les livres permettant de s’initier à la lecture : on considère ici que les kana sont acquis, donc aucun rōmaji à l’horizon.
Raison n°8 : l’accès aux ressources authentiques
Une fois que vous aurez les kana bien en tête, vous aurez le plaisir de pouvoir comprendre un peu de japonais. Les kanji resteront bien sûr incontournables, mais de nombreux mots sont écrits uniquement en kana (principalement en hiragana). Ce sera donc un premier pas pour comprendre des ressources authentiques, c’est-à-dire faites par des Japonais pour des Japonais.
Raison n°9 : un gain de confiance en vous
La maîtrise des kana n’est qu’une première étape dans votre voyage avec le japonais, mais c’est une étape essentielle : elle vous montrera que oui, vous êtes capable d’apprendre cette langue. Même si vous pensiez n’avoir aucun talent en la matière, le simple fait d’arriver à tracer et lire ces caractères vous insufflera une énorme dose de confiance en vous. Vous pourrez regarder ce chemin parcouru avec fierté et votre moral sera gonflé pour passer à la suite.
Raison n°10 : une voie d’entrée vers les kanji
Pour finir, les kana, parce qu’ils sont dérivés des kanji, en facilitent l’apprentissage. Non seulement ils en reprennent la forme générale, mais ils suivent des règles identiques : inscription du caractère dans un carré, sens et ordre des traits… Autant de principes qui vous seront utiles pour apprendre les kanji.
Pour lire et écrire le japonais, pas le choix : vous aurez besoin de retenir un grand nombre de kanji. Pour y parvenir, vous avez donc tout intérêt à apprendre les kana le plus tôt possible. Ils démystifieront les kanji, vous permettront d’en connaître la lecture comme nous l’avons vu plus haut, donc autant suivre ce cheminement logique.
Commencer à apprendre les kana, dès aujourd’hui
J’espère que cet article vous aura donné envie d’attaquer l’apprentissage des kana. Les hiragana, plus fréquents, doivent être votre priorité. Une fois qu’ils seront bien ancrés dans votre mémoire, vous pourrez passer aux katakana, plus spécialisés.
Nul besoin de les connaître absolument par cœur dans un premier temps. A force de pratique, vous finirez par les assimiler définitivement. Vous pourrez alors les lire et les écrire sans aucune hésitation.
Pour bien débuter, je vous rappelle qu’un kit de bienvenue contenant deux tableaux des kana (hiragana et katakana) est accessible en cliquant sur le bouton ci-dessous. Vous pourrez ainsi imprimer les deux tableaux et les afficher chez vous, pour les avoir tout le temps sous les yeux.